Le roi nu s’habitue à tout, digère tout, s’adapte à tout. Jusqu’à un certain point.
Le roi se souvient qu’un jour, lorsqu’il était encore jeune prince, tandis qu’une fois de plus il grignotait des chipster (0€79) avachi sur le cuir de vachette vachement confortable du canapé Conforama du salon (1099€99), son père lui avait dit :
— C’est bien mon fils, en toute circonstance, le corps sacré d’un roi doit épouser la forme du contenant.
Longtemps restée obscure à son entendement, cette parole l’habite désormais. Il mesure chaque jour à quel point son corps sacré épouse le corps social de ses concisujets sous la gravitation de son propre poids royal.
Sa dynastie en a toujours fait un atout. Chaque fois qu’un problème surgit en le royaume, le corps sacré royal s’y avachit, s’y étend, le nourrit, s’en nourrit, le ramollit, le cajole, l’asphyxie, le temporise, prend à Paul, crée une commission ad-hoc, moins l’âge du capitaine, donne à Pierre, transmet au parquet, convertit en pdf, accepte ou refuse les cookies… Quel problème au fait ? La nature du corps royal est d’avoir horreur du vide, de remplir au plus vite tous les interstices qui surgissent immanquablement. Voire d’en créer ex-nihilo, car comme disait Serge Dassault s’inspirant de Rockefeller : « on s’en fout, ça fait toujours du P.I.B. »
Aujourd’hui, cette loi gravitationnelle lui est bien pénible. Le poids de sa peur épouse la peur de ses concisujets. Du coup la peur qui est mère de toute docilité, écrase la confiance, qui elle, est mère de toute désinhibition consommatoire de croissance. Or pour tenir en équilibre, le corps du roi a désormais besoin à la fois de la peur et de la confiance. Et ce n’est pas possible. D’avoir les deux. Ou ce n’est plus possible. Du coup le corps sacré du roi penche de plus en plus au dessus du vide (oui, ses attributs royaux aussi, mais eux, c’est congénital). Et ce vide est un vide que pas même le corps sacré du roi ne peut combler. Et le corps sacré du roi est tout imbriqué dans le corps social de ses concisujets.