Le roi nu est un champion hors catégorie. Meilleur joueur du monde. Le meilleur dans son domaine. Et modeste avec ça. C’est bien simple, il gagne tout. Tout ce qu’il touche se transforme en or, même les ballons bizarres. Mais il est modeste. Il a un gentil sourire. Un vrai gentil sourire. Un vrai modeste. Un vrai généreux. Un besogneux. Et beau avec ça ! Une vraie beauté profonde qui vient de loin. Pas une beauté de façade non, pas une beauté standardisée comme un Ken blondasse en plastique ; une vraie beauté d’un vrai gars qui a passé l’essentiel de sa vie à transpirer dans la gadoue, sur des terrains gelés ou sous un soleil de plomb. Pas un gars de bureau. Un gars de la terre. Ou un gars du béton. Un gars dont la mère faisait des gâteaux le dimanche pour apporter au stade. Un gars dont la grande sœur lui faisait la lecture le soir. Un gars dont le père bossait dans un vrai métier, à la sueur de son front, et partait tôt pour nourrir les gosses. Un gars dont les gars du village ou du quartier sont les potes d’enfance. Un gars qui sait d’où il vient quoi. Un gars comme nous. Mais un gars qui a reçu un talent pas banal à la naissance et dont le talent a fructifié pile-poil au soleil d’une famille, d’un village, d’un quartier. Et à la fin, il est devenu le meilleur du monde. Mais modeste. Ah oui, besogneux aussi.
Du coup le roi nu champion du monde est adoré par tout le monde. Les concisujets l’aiment comme un dieu qu’ils portent à leurs yeux, à leurs oreilles, à leur bouche, pour communier à son talent, célébrer ses victoires. Un dieu qui nous dit que le talent de chacun, ça a besoin d’un bon terreau d’amour et de stabilité pour bien pousser mais que c’est ce terreau qui est rare. C’est pour ça que les concisujets l’adorent, c’est parce qu’il est porteur de l’espoir d’une vie simple, modeste, besogneuse certes, mais sécure, aimante, stable et amicale pour tout le monde, les petits, les gros, les bancals ; où chacun peut laisser s’épanouir ses talents d’enfants jusqu’à la mort de vieillesse sans être entravé par un père alcoolique, une mère folcoche, un prof sadique, un patron rapiat, des filles goriotes. Une rareté. Mais le roi-nu-dieu-du-stade prouve que ce qui est rare est possible, et ça, les concisujets y tiennent. D’où l’espoir.
Du coup le roi nu est un dieu du stade, auréolé d’une aura imprescriptible. Du coup tous les présidents et journalistes et autres tronches de cake, l’embrassent devant les caméras pour gratter un peu de son aura, de sa légitimité, de sa vérité. Du coup le roi-nu-dieu-du-stade les embrasse parce-que c’est un modeste souriant, un gentil, un besogneux. Mais en fait, ils grattent rien les idiots tronches de cake. Tout ce qu’ils peuvent gratter c’est de la jalousie, parce-qu’au moment où ils embrassent le roi-nu-dieu-du-stade, ils comprennent à quel point ils ne sont et ne seront jamais que des tronches de cake. Eux.