Un roi nu bon marché est rare. Ce qui est rare est cher. Un roi nu bon marché est cher.
Les concisujets aiment bien se payer le corps du roi pour se détendre. Moyennant une contribution modique, ils peuvent profiter de son corps nu pendant un instant, sous réserve bien sûr, d’enfiler quelque protection sanitaire. Accouplement éphémère mais vif, il permet au concisujet de soulager sa frustration de naissance, d’oublier la dureté du quotidien, de s’illusionner sur la maîtrise du cours de sa vie. Il ressort de la chambre rouge du palais, tout sourire, se vantant alentours : « Je l’ai bien entubé le salaud ! ». Et le chambellan des coïts royaux de crier « a coïté » en tamponnant le passeport coïtal.
Le roi nu, de son côté, accepte sans rechigner ce rituel royal que d’aucun trouverait éprouvant. Mais les lois de la sélection naturelle et de l’adaptation des espèces ont doté la dynastie royale d’attributs génitaux astucieusement renforcés et insensibles, contrairement au commun des espèces (oui des attributs qui pendouillent, on a compris). Des ethnologues ont estimé environ à douze-mille passes par soirée, soit un peu moins d’un coït par seconde, la performance du roi nu. Des sociologues ont calculé qu’en moyenne chaque concisujet s’accouple au roi nu une fois tous les onze ans. Des psychologues ont déduit que onze ans est une fréquence optimisée de gestion des émotions liées aux frustrations issues des rapports de domination. Du coup, cette forme de socialité du régipatéticien, cousinage lointain des mœurs bonobos, permet au royaume de maintenir une certaine paix sociale depuis des lustres.
Depuis quelques mois, le roi nu se réveille chaque matin de plus en plus en pénurie. Du coup, il est de plus en plus cher. Du coup, les concisujets vont au roi nu de moins en moins souvent (oui, dans le bas peuple, on dit « aller au roi nu » et pas « aller chez le roi nu »). Du coup, les concisujets ont de plus en plus de mal à gérer leurs émotions liées aux frustrations issues des rapports de domination.