— Le royaume, c’est moi ! Cessez de m’importuner avec vos considérations mesquines !
Le roi nu est agacé par les atermoiements de son miministre des poids et mesures. Celui-ci est venu lui annoncer que tous les indicateurs des statistiques du royaume sont en baisse. La croissance récessionne, les prix déflatent, l’emploi chômardise, les actifs débullent, et la monnaie royale dévale.
— Le royaume c’est moi, répète le roi nu ! La croissance c’est moi ! Les prix, l’emploi, les actifs, la monnaie, c’est moi !
Du coup, le roi nu va chercher sa trousse à maquillage. Il s’installe devant sa glace et commence à maquiller les statistiques des poids et mesures qui pendouillent (elles aussi, pour ceux qui suivent).
— Je pondère au mascara le panier de la ménagère, et hop ! Et maintenant un petit coup d’eyeliner sur ma courbe de PIB non-marchand, et hop ! Et pour finir une grosse truelle de fonds de teint sur les intérimaires à temps partiel, et hop ! Ah, j’allais oublier le rouge à lèvre pour raviver la titrisation des actifs faisandés. Et hop !
Du coup, le roi nu et son royaume ressemblent maintenant à une vieille p… à un Miro superposé sur un Caravage. Les concisujets du roi nu hésitent à voir sa laideur et sa fausseté. Parce-que le royaume, c’est lui, et donc lui, c’est eux. Ils hésitent encore à se souvenir que beauté et vérité s’embrassent, ainsi que joie et liberté, paix et justice, égalité et prospérité. Ainsi qu’amour et pardon.