Le vigile. Solide gaillard de deux mètres-zéro-deux, la trentaine, noir. Il avance sa main droite munie d’un smartphone. Professionnel.
— Montrez-moi votre laissez-passer !
Le roi nu. Tombant des nues.
— Mais. Mais je suis le roi quand même ! C’est chez moi ici.
Le vigile. L’air de celui qui en a vu d’autres.
— M’en fous. Pas de laissez-passer, vous passez pas. C’est les ordres.
Le roi nu.
— Mais c’est moi qui donne les ordres !
Le vigile. Ironique.
— Sans blague ! Et c’est payé à l’heure ou à la pièce ?
Le roi nu. Abattu.
— Ce n’est pas drôle. C’est une charge harassante.
Pendant ce temps, le vigile continue de flasher des QR codes d’invités en tenues de soirée. L’ambiance est à la fête.
Le vigile. Sceptique.
— De toutes façons, vous êtes pas le roi.
Le roi nu. Incrédule.
— Mais ! Comment ! Mais si ! C’est moi, voyons.
Le vigile. Provocateur
— Bien sûr. Et moi je suis blanche-neige.
Le roi nu. Méfiant. Regardant à droite à gauche.
— Ah non ! Je vous vois venir. Il y a une caméra ? Ne me faites pas passer pour un raciste. J’ai des amis noirs.
Le vigile. Examinant le roi de la tête aux pieds.
— Moi, ce que je vois, c’est un mec qui se ballade à poil sans laissez-passer.
Le roi nu. Larmoyant et vaguement gêné.
— Mais… et mes attributs royaux qui pendouillent, ce n’est pas une preuve ? Tout le monde les connaît de nos jours. Je suis passé à la télé.
Le vigile. Mort de rire.
— Ça ! N’importe qui peut s’acheter les mêmes à la Foirefouille à 4€99, tombé direct d’un conteneur chinois. Ça prouve rien. Ils font des imitations de malades les chinetoques. L’autre jour mon neveu a ramené un pistolet en plastique…
Le roi nu. S’énervant. Il tente de forcer le passage sur le côté du vigile.
— Maintenant, ça suffit ! Je suis le roi ! Laissez-moi passer !
Le vigile. Repoussant le roi nonchalamment comme un doigt repousse une miette de pain sur la table.
— Dis donc, la panoplie Foirefouille, si t’allais plutôt jouer avec Superman et son slip en lycra.
Le roi nu.
— Mais où vous vous voulez que j’aille ? Je ne connais que le palais ?
Le vigile. S’en foutant royalement. Il continue de flasher les QR codes des autres invités. Arrive un couple en magnifique tenue de soirée, bagues et rangées de colliers.
— Tiens, le comte et la comtesse de Pinault ! Entrez, soyez les bienvenus. L’orchestre autotuné se met juste en place.
La comtesse dévisage le roi de la tête au pieds.
Le vigile. À la comtesse, complice.
— Je sais, c’est pas joli joli. Pas de QR code.
La comtesse. En s’éloignant, soufflant à son mari. Comme il se doit, suffisamment fort pour être entendue.
— Quelle honte ! Pas de QR code. Et tu as vu ces attributs ? C’est d’un kitch ! Quel mauvais goût !