L’un des passe-temps du roi nu a toujours été de saloper les mots. C’est bien simple, quand il s’ennuie ou s’il est contrarié, il se dit : « tiens si je salopais un mot, ça me changerait les idées ! ». Du coup, il a pour technique d’ouvrir le dictionnaire et de pointer un mot au hasard. Et après il le salope. Attention, il ne le salope pas comme les enfants salopent leur salopette en cette saison gadouilleuse ; un peu de savon de Marseille et elles sont de nouveau propres comme un sous neuf. Non, quand le roi nu salope un mot, c’est irrémédiable, irréversible. Le mot ne retourne plus jamais à son état antérieur. Il est salopé à jamais.
Pour ne parler que de quelques salopades récentes, citons l’inénarrable « durable », la fameuse « transition » (qui elle-même salopa en son temps la trop religieuse « conversion »), le fils de putatif « disruptif » et dernièrement, le xénophobique « séparatisme ». Et bien sûr la courageuse « résilience » que le roi nu arracha à l’innocence des enfants traumatisés, pour la saloper jusque dans chaque séminaire de team-building des immondes chaînes franchisées du royaume.
Au cours du temps, les sujets du roi nu se sont habitués à ce petit jeu et ont appris à substituer de nouveaux mots aux mots salopés. Parce-que les sujets du roi nu aiment viscéralement les beaux mots ; les mots fleuris comme des jeunes filles, polis comme des galets du gave d’Oloron, blanchis sous le harnais du labeur. Il aiment aussi les mots acérés pour trancher dans le lard, acides pour corroder les barreaux des geôles systémiques. Et aussi les mots éruptifs, pétomanes voire pornographes.
Les sujets du roi nu aiment les beaux mots parce-qu’ils sont l’exsudation éternelle de la liberté et de la dignité. L’inverse des mots salopés.
Le roi nu aime saloper les mots. Et ce matin, le roi nu se promenait sur sa terrasse en écoutant Radio Majesté. Ses attributs royaux pendouillaient nonchalamment comme à l’accoutumée. A la radio, les échoppes se plaignaient de la concurrence déloyale des super, hyper, ultra, méga, giga, téra, et péta-marchés. Et les péta-marchés se plaignaient de la concurrence déloyale des Gaffamés défiscalisés.
Du coup, le roi a eu envie de saloper le mot « équité ». Et encore une fois, il a réussi son coup.