Le roi nu aime le neuf. Le neuf ça brille, ça couine pas, c’est à la dernière mode, et ça tombe pas en panne au fond des bois. Le neuf c’est propre et ergonomique, ça répond à des besoins qu’on n’avait pas parce-qu’on ne savait pas, mais maintenant qu’on sait, c’est indispensable. Le neuf c’est rien qu’à nous ; on est sûr que des gens pas comme nous n’ont pas mis leurs mains pleines de doigts dessus. Avant tout, le neuf, c’est nouveau et disruptif, et le nouveau, c’est indispensable pour l’augmentation de la croissance du progrès universel. Bref, le roi nu aime le neuf parce-que c’est une pierre angulaire de son royaume Ordo et Incrementum.
Ces derniers temps, le roi nu est bien embêté : Les poches des concisujets sont vides, et ils se rabattent sur l’occasion. Du coup, les manufactures de neuf tirent la langue au chat. D’autant qu’à force d’avoir fabriqué plein de neuf pendant des décennies, le royaume déborde littéralement d’occasion. C’est le problème, l’offre de neuf engendre mécaniquement une offre d’occasion, moyennant un léger décalage dans le temps. Et l’occasion manquant cruellement de tact compte-tenu de ce qu’elle doit au neuf, lui fait une concurrence féroce.
Pourtant, depuis un moment déjà, les miministres ont développé une solution innovante pour tenter d’éradiquer la production pléthorique et inéluctable d’occasions : l’obsolescence programmée. Une invention remarquable d’inventivité qui permet à tout produit neuf de ne jamais devenir une occasion grâce à sa mort par suicide assisté par des directives anticipées dont les modalités ont été validées officiellement par le comité d’éthique royal neutre et indépendant. Grâce à cette innovation, on a pu accroître de façon énorme les volumes de neuf sans accroître l’occasion. Enfin pas tout à fait, car certains objets neufs ont échappé à l’obsolescence programmée. Et comme la croissance des objets neufs était énorme, ça en fait quand même pas mal qui sont passés au travers et ne se sont pas librement suicidés par consentement éclairé.
Bref, les concisujets se rabattent sur l’occasion et les manufactures de neuf tirent la langue au chat.
— Ça peut pas durer ! s’énerve le roi nu.
Du coup, le roi nu décide de taxer l’occasion. Comme ça, ça va freiner l’occasion au bénéfice du neuf et faire, par la même occasion, rentrer des écus dans la caisse qui en a bien besoin pour l’économie de guerre pour-sauver-la-planète.