Le roi est toujours nu comme un ver. Il a pourtant consulté les meilleurs experts du royaume : un médecin youtubeur, un polytechnicien radioactif, un général en retraite sauf à la télé, Maître Marabout Coffy rebouteux magnétiseur médium extralucide, la cheffe maquilleuse-comptable de l’inspection générale des finances royales, un archevêque exorciste. Rien n’y fait, le roi est toujours nu, à poil, en tenue d’Adam.
Du coup, sa majesté a décidée de s’installer en son château de campagne du Périgord Vert ; la vie y est plus tempérée qu’au palais royal, les obligations mondaines moins pressantes. Tout est plus lent et convivial ; aux marchés de Nontron ou Piégut, les concisujets périgourdins sont très accommodants envers la nudité du roi car déjà très proches eux-mêmes de l’état de nature.
Cet hiver, les nappes phréatiques du royaume se sont vidées faute de se remplir. Les conconseillers du roi nu le pressent d’accélérer les innovations disruptives de pompages tous azimuts dans des méga-bassines afin de préserver les rendements croissants au beurre dans les épinards du P.I.B.
Mais le roi nu est déjà loin de tout ça. En prenant le soleil à la terrasse de l’entente cordiale à la fête de printemps d’Abjat, une pinte de Périgord Beers à la main, le roi nu trinque avec l’adjoint Stewart. Il raconte ses années d’école primaire à Saint-Martial-de-Valette et les souvenirs traumatisants causés par son institutrice d’alors, mademoiselle Camille :
— Elle nous donnait des problèmes mathématiques terribles, du genre : « sachant qu’une méga-bassine perd 5000 hectolitres par heure et se remplit dans le même temps de 400.000 cm³ par jour, si et seulement si la canicule n’en évapore pas les deux-tiers, à quelle date faudra-t-il fermer la centrale nucléaire rouillée ? ». Ou encore : « Sachant qu’un gendarme à jeun peut tirer 0,2 grenades à la secondes, au bout de combien de temps, en années, aura-t-il recouvert de douilles plastifiées la totalité, en centiares, de la surface agricole utile (SAU) du pays ».
Ce genre de problèmes scolaires a toujours provoqué des nœuds au cerveau du roi nu. Du coup le roi sèche. Du coup le roi boit. Comme un trou. Un trou de bassine. Un trou tout nu, avec des attributs qui pendouillent et trois-mille gendarmes autour.
Du coup le lendemain, le roi se réveille au château avec la gueule de bois. C’est le moment que choisit son miministre de l’agrobusinesswashing pour solliciter une entrevue :
— Majesté, nous aurions urgemment besoin que vous signiez l’autorisation de disrupter les nappes phréatiques pour emplir les méga-bassines et garantir à l’avenir la continuation des solutions qui ont prouvé leur échec.
Du coup, le roi nu signe le décret car il sait que sa dynastie repose sur sa garantie de pouvoir librement continuer les solutions qui ont prouvé leur échec.