Le roi nu se sent défaillir. Il avance péniblement, courbe l’échine. Des dizaines de câbles lui lacèrent les épaules. Sa chair est maintenant à vif. Son visage jadis si jovial, est creusé, tiré, émacié, méconnaissable. Le sang coule sur ses omoplates, se mélange à sa sueur et à la poussière du chemin. Le roi nu prend la couleur du chemin. Y compris ses attributs royaux qui pendouillent. Ses pieds glissent à chaque pas, cherchant quelque aspérité où s’accrocher.
ô souffrances, épines ancrées
dans nos chairs si douces.
Plus encor, en nos cœurs
d’où jaillissent les fautes
d’un passé enfoui
sous les piles de dossiers
qu’on voulait évanouis.
Sixième station.
Le roi nu traîne des dizaines de casseroles. Des toute petites en cuivre, pour les sauces ordinaires du quotidien, celles qui donnent sens aux légumes verts, quand les oignons, sans en avoir l’air, sauvent le repas. Des grandes en inox, amies universelles des plats de nouilles d’étudiants. Des poêles à frire, à crêpes, à rissoler, à châtaignes, à paëlla. Des faitouts, pléonasme des soupes au caillou populaires et des grandes tablées d’hiver improvisées. Des cocottes à sifflet, des poêlons à fondue en fonte de Saint-Étienne, des poissonnières à couvercle, des passoires en alu, des marmites à bourguignon.
Les mois passent. Première instance. Les années passent. Appel. Les décennies passent. Cassation. Les siècles passent. Immunité collective.
Du coup, le roi nu traîne la batterie de cuisine du monde.