Avant, avec ses concisujets, ça roulait tout seul. Le roi nu n’avait pas besoin de se poser mille questions. La plupart des gens croyaient en son royaume d’abondance éternelle. Ce n’est plus le cas. Beaucoup n’y croient plus car la faillite géophysique du royaume est de plus en plus patente. Mais attention, ce n’est pas encore officiel.
Tant qu’une chose n’est pas officielle, existe-t’elle ? Une croyance agonise, puis meurt, puis se présente au purgatoire des croyances, y demeure longtemps, puis seulement sa mort est rendue officielle. Elle repose alors enfin au paradis des croyances. Certaines ont un mausolée en or massif, d’autres un caveau en granit rose de Perros-Guirec, d’autres gisent entre quatre planches vermoulues dans le carré des indigents, d’autres enfin, enroulées ou pas dans des draps de lin, s’entassent dans la fosse commune (du temps). Les croyances, alors débarrassées de leurs obligations régaliennes, se révèlent aptes à l’autodérision collective. Elles rigolent bien entre elles, se remémorant leur naïveté d’antan.
Du coup, le roi nu se sent fatigué, ralenti. Il a l’impression d’avancer péniblement dans une glaise lourde et poisseuse. Ses attributs royaux qui pendouillent lui pèsent aussi. Certains jours, il se dit qu’il s’en passerait bien. Le marketing royal, jadis si performant, s’est retourné contre le roi comme une arme incontrôlable.
— Salauds de concisujets, s’exclame le roi nu. Je les ai segmentés à l’envi pour optimiser l’excitation de leurs stimulus maslowiens. J’ai investi dans un super marketing-mix multifonction à mille-quatre-cent boules pour leur cuisiner un royaume aux petits oignons !
Mais à force de segmenter les concisujets, la reliance entre eux s’est évaporée et la croyance royale avec. Du coup, face à tant d’indifférence ou d’hostilité, le roi nu se demande s’il ne devrait pas devenir obligatoire. Car il croit que cela pourrait résoudre son problème. Il se demande. Il croit. Croyance. Purgatoire. Officiel. Mausolée. Fosse commune. A nouveau.