Le roi nu est en deuil. Il ne sait pas vraiment de quoi, mais il sent qu’il est en deuil. En vérité, il en est même à la troisième étape du deuil ; après le déni et la colère, vient le temps de la négociation.
— Adieu insouciance immortelle de mes vingt ans, se lamente-t-il ! Adieu liberté de mouvement perpétuel chérie ! Adieu étreintes passagères socialisantes ! Adieu veaux, vaches, cochons, attroupements grégaires, musicaux et sportifs !
Du coup, le roi nu veut négocier. Ça le connaît. Depuis quelques semaines, le roi nu a peur, c’est entendu. Rien de tel qu’une petite négociation pour conjurer la peur. Du coup son « miministre des corps aptes au travail » lui a suggéré de porter un masque. Et ô miracle ! L’étoffe du masque ne se liquéfie pas [contrairement aux autres vêtements qu’il ne peut désormais plus porter, pour ceux qui suivent, ndlr]. Du coup, il n’a plus peur. Il se trouve même un certain charme ténébreux quand il se regarde dans la glace. En plus, il se dit qu’avec ce masque, il pourrait se balader incognito dans son royaume, n’étaient ses attributs royaux qui pendouillent. Mais son miministre lui explique que son masque est surtout fait pour protéger les autres s’il est contaminé, lui. Et pas tellement pour le protéger, lui, si un autre le contamine, lui. Du coup ça l’énerve car les autres, c’est pas des rois, alors que lui, c’est le roi, non mais. Du coup, il passe à la quatrième étape du deuil : la dépression.